Mes lectures 000815
[et de se faire
détester de tous]
par Schopenhauer
Éditions mille et une nuits © 1983
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STRATAGÈMES
5. LES FAUX ARGUMENTS DE L’ADVERSAIRE
8. SUSCITER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRE
16. INCITER À SE COMMETTRE, À COHÉRENCE
17. INTRODUIRE UNE DISTINCTION
21. À QUESTION STUPIDE, RÉPONSE STUPIDE
26. RETOURNER SON ARGUMENT CONTRE LUI
27. EMPIRER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRE
28. RIDICULISER D’AUTORITÉ EN TABLANT SUR LA
NAÏVETÉ DE L’AUDITOIRE
29. FAIRE DIVERSION (semblable à 18.)
32. FAIRE UNE ASSOCIATION DÉGRADANTE
33. OPPOSER THÉORIE ET PRATIQUE
34. INSISTER SUR LE POINT QU’IL DÉTOURNE
35. FAIRE VOIR QU’IL SE TIRE DANS LE PIED
37. RÉFUTER EN DÉNONÇANT LA PREUVE
38. ULTIME STRATAGÈME : INJURIER
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Tout d’abord, l’essentiel de toute controverse
est le fait qu’une thèse soit posée par l’adversaire (ou nous-mêmes, peu
importe). Pour la réfuter, il y a deux méthodes possibles :
1.
Les modes :
a.
ad rem
b.
ad hominem
ou ex concessis
c'est-à-dire que nous démontrons soit
a.
que cette
thèse n’est pas en accord avec la nature des choses, la vérité objective
absolue
b.
soit
qu’elle contredit d’autres affirmations ou concessions de l’adversaire,
c'est-à-dire la vérité subjective relative. Dans ce dernier cas, il ne s’agit
que d’une preuve relative qui n’a rien à voir avec la vérité objective.
2.
Les
méthodes :
a.
réfutation
directe
b.
et
indirecte.
a.
La
réfutation directe attaque la thèse dans ses fondements,
b.
l’indirecte
dans ses conséquences.
a.
La directe
démontre que la thèse n’est pas vraie,
b.
l’indirecte,
qu’elle ne peut pas être vraie.
Voilà la base de toute controverse. Mais tout
cela peut se passer réellement ou seulement en apparence. Et comme en la
matière il n’est pas facile d’avoir des certitudes, les débats peuvent être
longs et acharnés. On ne peut savoir avec certitude qui a objectivement raison
et cela ne peut être décidé que grâce à la controverse.
Du reste, dans toute controverse ou
argumentation, il faut que l’on s’entende sur quelque chose, un principe à
partir duquel on va juger le problème posé : on ne saurait discuter avec
quelqu’un qui conteste ces principes.
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STRATAGÈMES
Étirer l’affirmation de l’adversaire au-delà de
ses limites naturelles, l’interpréter de la façon la plus générale possible.
Ceci est particulièrement aisé avec des gens qui font des assertions
généralisantes.
Ex : Les Chinois…
Les
femmes… , les hommes…
Les
jeunes…
Les
homosexuels…
À l’inverse, pour assurer la victoire de sa
propre affirmation, il faut la restreindre, parler de cas particuliers.
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Utiliser l’homonymie pour étendre également
l’affirmation à ce qui, à part le même mot, n’a pas grand-chose ou rien du tout
en commun avec l’objet du débat, puis réfuter de façon lumineuse et se donner
ainsi l’air d’avoir réfuté l’affirmation elle-même.
Ex. : —
Vous n’êtes pas encore initié aux mystères de la philosophie kantienne.
— Ah,
quand il est question de mystères, cela ne m’intéresse pas.
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Prendre l’affirmation posée relativement comme si
elle l’était de façon générale, ou du moins la concevoir dans un rapport tout à
fait différent et la réfuter dans ce sens.
Ex. : — Certains homosexuels peuvent avoir
des comportements pervers.
— Les homosexuels sont des gens normaux et non
pas pervers.
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Quand on veut arriver à une conclusion, il ne
faut pas la laisser prévoir mais obtenir discrètement qu’on en admette les
prémisses en disséminant celle-ci au cours de la conversation. Il faut faire
approuver les prémisses dans le désordre de façon à cacher son jeu et éviter
que l’adversaire tente toutes sortes de manœuvres pour contrer notre thèse. On
peut même utiliser des prémisses sans rapport avec le thème pour brouiller les
pistes.
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Le vrai peut réfuter de fausses prémisses,
alors que le faux ne peut jamais découler de vraies prémisses. C’est ainsi que
l’on peut réfuter des propositions fausses de l’adversaire au moyen d’autres
propositions fausses qu’il considère comme vraies ; car c’est à lui que
nous avons affaire et il faut utiliser son mode de pensée.
Ex. : Si notre
interlocuteur est adepte d’une secte quelconque que nous n’approuvons pas, nous
pouvons utiliser contre lui les préceptes de cette secte.
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Tout discours s’appuie sur des prémisses. Pour
élaborer une thèse, il faut s’entendre sur un certain nombre d’affirmations. En
s’appuyant sur une « vérité d’évidence », en postulant ce que l’on
aurait à prouver, on peut conduire l’interlocuteur à reconnaître la validité de
notre thèse.
La répartie à ce stratagème consiste à réfuter systématiquement
chacune des prémisses de notre interlocuteur.
Ex. : Affirmer
l’incertitude de la médecine en affirmant l’incertitude de tout savoir humain.
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Poser beaucoup de questions à la fois et
élargir le contexte pour cacher ce que l’on veut véritablement faire admettre.
En revanche, exposer rapidement son argumentation à partir de concessions
obtenues, car ceux qui sont lents à comprendre ne peuvent suivre exactement la
démonstration et n’en peuvent voir les défauts et les lacunes éventuelles.
Ex. : Tout débat à la
Chambre des communes en fournit d’abondants exemples.
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Mettre l’adversaire en colère, car dans sa
fureur il est hors d’état de porter un jugement correct et de percevoir son
intérêt. On le met en colère en étant ouvertement injuste envers lui, en le
provoquant et, d’une façon générale, en faisant preuve d’impudence. Si on le
connaît personnellement, on peut exhiber son point faible. En parlant
ouvertement ce dont il a honte on va brouiller son esprit et il sera incapable
de formuler un jugement cohérent.
Ex. : Sachant que notre
interlocuteur a déjà été condamné pour un délit au criminel ou au civil, on
peut le mentionner ouvertement dans la discussion pour discréditer son
intégrité.
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Ne pas poser les questions dans l’ordre exigé
par la conclusion qu’il faut en tirer, mais dans toutes sortes de
permutations ; il ne peut savoir ainsi où on veut en venir et ne peut se
prémunir. On peut aussi utiliser ses réponses pour en tirer diverses
conclusions, même opposées, en fonction de leur nature. Ce stratagème est
apparenté au quatrième dans la mesure où il faut dissimuler sa manière de
procéder.
Ex. : L’inspecteur de
police, durant son interrogatoire, va poser toutes sortes de questions sans
rapport apparent entre elles afin, plus tard, de pouvoir en tirer des
conclusions qui vont dans le sens de son enquête sans que le prévenu ne l’ait
vu venir.
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Quand on se rend compte que l’adversaire fait
exprès de rejeter les questions qui auraient besoin d’une réponse positive pour
soutenir notre thèse, il faut l’interroger sur la thèse contraire, comme si
c’était cela que l’on voulait le voir approuver ; ou tout du moins, lui
donner le choix entre les deux de telle sorte qu’il ne sache plus quelle est la
thèse à laquelle on souhaite qu’il adhère.
Ex. : L’important est de
prendre le dessus sur l’adversaire, lui montrer qu’il a tort et que nous avons
raison. Nous pouvons donc feindre momentanément adhérer à sa thèse, l’appuyer
avec nos propres arguments, pour ensuite
le trouver en défaut sur un point qui la fasse s’effondrer.
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Faire croire à l’adversaire qu’il a reconnu
lui-même une « vérité générale admise » en lui faisant concéder
plusieurs cas particuliers par induction.
Ex. : L’acier est un métal
solide à la température ambiante. L’or aussi est un métal solide à la
température ambiante. De même que l’aluminium, le bronze etc. Donc, on peut
dire que tous les métaux sont solides à la température ambiante.
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Choisir une désignation flatteuse pour désigner
notre thèse, notre fonction, notre titre. Ou à l’inverse, utiliser des termes
orduriers pour désigner une thèse que l’on cherche à discréditer. Un orateur
trahit souvent à l’avance ses intentions par les noms qu’il donne aux choses.
Ex. : Désigner la personne
atteinte de la maladie du SIDA comme « sidéen » plutôt que comme
« sidatique » , le premier terme s’apparentant à l’habitant d’un pays
plutôt que le second qui désigne celui qui est affublé d’une maladie. Désigner
les protestants comme « L’Église Unie » alors que les catholiques les
considèrent comme des « hérétiques ». Parler des cols bleus comme des
« fiers à bras » ou parler des intellectuels comme des
« pousseux de crayon » pour discréditer leur fonction sociale.
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Pour faire en sorte qu’il accepte notre thèse, nous
devons lui en présenter le contraire et lui laisser le choix, ayant pris soin
de mettre en évidence l’aspect péjoratif de cette antithèse. L’adversaire, sous
peine qu’on croit qu’il cultive l’art du paradoxe, ne pourra faire autrement
que de se rallier à notre manière de penser.
Ex. : C’est comme quand on
met du gris à côté du noir : on dirait du blanc ; alors que si on le
met à côté du blanc, on dirait du noir.
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Un tour pendable consiste, quand il a répondu à
plusieurs questions sans que ces réponses soient allées dans le sens de la
conclusion vers laquelle nous tendons, à déclarer qu’ainsi la déduction à
laquelle on voulait aboutir est prouvée, bien qu’elle n’en résulte aucunement.
Il faut le proclamer triomphalement.
L’interlocuteur se retrouvera complètement
déstabilisé du fait que, ne trouvant aucun lien entre le discours et la
conclusion, on laisse entendre qu’il n’est pas assez subtil pour l’avoir saisi.
Il a donc le choix entre perdre la partie ou paraître lent d’esprit. Il y a
toutes les chances qu’il choisisse d’être perdant pour faire croire qu’il a
compris le lien bidon et sauvegarder sa réputation « d’intelligent ».
Ce stratagème fonctionne admirablement avec les
timides et les lents d’esprits mais il peut générer la haine et la vengeance
sournoise.
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Si nous avons posé une thèse paradoxale que
nous avons du mal à démontrer, il faut présenter à l’adversaire n’importe quelle
proposition exacte, mais d’une exactitude pas tout à fait évidente, afin qu’il
l’accepte ou la rejette. S’il la rejette par méfiance, nous le confondons par
l’absurde et triomphons ; mais s’il l’accepte c’est que nous avons tenu
des propos raisonnables et nous pouvons ajuster notre tir en conséquence. Ou
bien nous ajoutons le stratagème no 14 et affirmons alors que notre paradoxe
est démontré. Il faut pour cela être d’une extrême imprudence, mais il y a des
gens qui pratiquent ceci très adroitement de façon instinctive.
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Quand l’adversaire fait une affirmation, nous
devons chercher à savoir si elle n’est pas d’une certaine façon, et ne serait-ce
qu’en apparence, en contradiction avec quelque chose qu’il a dit ou admis
auparavant, ou avec les principes d’une école ou d’une secte dont il a fait
l’éloge, ou avec les actes des adeptes de cette secte, qu’il soient sincères ou
non, ou avec ses propres faits et gestes. Ce stratagème est très facile à
appliquer puisque, n’ayant pas eu l’opportunité de faire le
« ménage » dans leurs idées reçues, la plupart des gens sont des
paradoxes ambulants.
Ex. : S’il prend parti en
faveur du suicide, lui demander aussitôt : « Pourquoi ne te
suicide-tu donc pas? » Ou bien s’il dit que Montréal est une ville
désagréable, s’écrier aussitôt : « Comment se fait-il que tu y
habites? » etc.
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Si l’adversaire a une parade qui nous met dans
l’embarras, nous pourrons souvent nous tirer d’affaire grâce à une distinction
subtile à laquelle nous n’avions pas pensé auparavant — si tant est que l’objet
du débat admette une double interprétation ou deux cas distincts.
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Si nous nous rendons compte que l’adversaire
s’est emparé d’une argumentation qui va lui permettre de nous battre, nous
devons l’empêcher de parvenir au bout de sa démonstration en interrompant à
temps le cours de la discussion, en nous esquivant ou en détournant le débat
vers d’autres propositions.
Ex. : Lorsque l’adversaire
vous dit que vous avez tort, faites-lui remarquer que son lacet de soulier est
détaché.
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Si l’adversaire exige expressément que nous
argumentions contre un certain aspect de son affirmation, et que nous n’ayons
rien de valable à dire, il faut se lancer dans un débat général et la contrer.
Ex. : Si nous devons dire
pourquoi une certaine hypothèse physique n’est pas fiable, nous parlerons du
caractère fallacieux du savoir humain et l’illustrerons par toutes sortes
d’exemples.
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Si nous lui avons demandé les prémisses et
qu’il les a admises, il faut, non pas lui demander en plus la conclusion, mais
la tirer nous-même ; et même s’il manque l’une ou l’autre des prémisses,
nous la considérerons comme admise et tirerons la conclusion. Nous donnerons
ainsi l’illusion à l’adversaire qu’il approuve de fait cette conclusion puisque
ce sont ses prémisses qui la soutiennent.
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En cas d’argument spécieux ou sophistique de
l’adversaire dont nous ne sommes pas dupes, nous pouvons certes le démolir en
expliquant ce qu’il a d’insidieux et de fallacieux. Mais il est préférable de
lui opposer un contre-argument aussi spécieux et sophistique afin de lui régler
son compte. Car ce qui importe, ce n’est pas la vérité mais la victoire.
Ex. : Si l’adversaire
avance un argument ad hominem[1] il
suffit de le désarmer par un contre-argument ad hominem ; et d’une manière générale, au lieu d’avoir à
discuter longuement de la vraie nature des choses, il est plus rapide de donner
une argumentation ad hominem quand
l’occasion se présente.
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S’il exige que nous concédions une chose d’où
découlerait directement le problème débattu, il faut refuser en prétendant
qu’il s’agit là d’une pétition de principe[2] ;
car lui et les témoins du débat auront tendance à considérer une proposition
proche du problème comme identique à ce problème ; nous le privons ainsi
de son meilleur argument.
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La contradiction et la querelle incitent
parfois l’adversaire à exagérer notre affirmation. En le contredisant, nous
pouvons donc le pousser à tirer une affirmation, éventuellement exacte dans les
limites requises, au-delà de la vérité ; mais une fois que nous avons
réfuté cette exagération, il semble également que nous ayons réfuté la thèse
originelle.
À l’inverse, nous devons nous garder de nous
laisser entraîner par la contradiction à exagérer ou à élargir le champ de
notre thèse. Souvent aussi, l’adversaire lui-même essaiera directement de faire
reculer les limites que nous avions fixées : il faut immédiatement y
mettre un terme et le ramener aux limites de notre affirmation.
Ex. : « Voilà ce que
j’ai dit, et rien de plus ».
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On force la thèse de l’adversaire en en tirant
de fausses conclusions et en déformant les concepts, pour en faire sortir des
propositions qui ne s’y trouvent pas et qui ne reflètent pas du tout l’opinion
de l’adversaire car elles sont au contraire absurdes ou dangereuses. Comme il
semble qu’il découle de sa thèse des propositions qui, soit se contredisent elles-mêmes,
soit contredisent des vérités reconnues, ce stratagème passe pour une
réfutation indirecte, une apagogie (démonstration par l’absurde).
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Il faut faire une apagogie au moyen d’une
instance. Si l’adversaire procède par l’induction, il requiert un grand nombre
de cas pour poser sa thèse générale. Nous n’avons besoin que de poser un seul
cas en contradiction avec la proposition pour que celle-ci soit renversée.
Ex. : La thèse « tous
les ruminants ont des cornes » est réfutée par l’instance unique des
chameaux.
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Une technique brillante consiste à retourner
son propre argument contre l’adversaire, quand l’argument qu’il veut utiliser à
ses fins peut être encore meilleur si on le retourne contre lui.
Ex. : — C’est un enfant, il
faut être indulgent avec lui.
— C’est justement parce que c’est un enfant
qu’il faut le punir pour l’empêcher de prendre de mauvaises habitudes.
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Si un argument met inopinément l’adversaire en
colère, il faut s’efforcer de pousser cet argument encore plus loin : non
seulement parce qu’il est bon de le mettre en colère (voir le stratagème no.
8), mais parce qu’on peut supposer que l’on a touché le point faible de son
raisonnement et qu’on peut sans doute l’attaquer encore davantage sur ce point
qu’on ne l’avait d’abord pensé.
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Ce stratagème est surtout utilisable quand des
savants se disputent devant des auditeurs ignorants. Il consiste à avancer une
objection non valable mais dont le seul spécialiste reconnaît le manque de
validité. Celui qui est le spécialiste, c’est l’adversaire, pas les auditeurs.
À leurs yeux, c’est donc lui qui est battu, surtout si l’objection fait
apparaître son affirmation sous un jour ridicule. Les gens sont toujours prêts
à rire, et on a alors les rieurs de son côté. Pour démontrer la nullité de
l’objection, il faudrait que l’adversaire fasse une longue démonstration et
remonte aux principes scientifiques ou à d’autres faits, et il lui sera
difficile de se faire entendre.
Ex. : L’adversaire
dit : « Au cours de la
formation des montagnes primitives, la masse à partir de laquelle le granit et
tout le reste de ces montagnes s’est cristallisé était liquide à cause de la chaleur,
donc fondu. La chaleur devait être d’environ 200˚Réaumur et la masse
s’est cristallisée au dessous de la surface de la mer qui la recouvrait. » Nous avançons
l’argument que : « à cette
température, et même bien avant, vers 80˚, la mer se serait mise à bouillir depuis longtemps et
se serait évaporée dans l’atmosphère. » Les auditeurs s’éclatent de rire. Pour nous
battre, il lui faudrait démontrer que le point d’ébullition ne dépend pas
seulement du degré de température mais tout autant de la pression de
l’atmosphère et que celle-ci, dès que par exemple la moitié de la mer serait
transformée en vapeur d’eau, elle aurait tellement augmenté qu’il n’y aurait
plus d’ébullition, même à 200˚Réaumur. Mais il ne le fera pas car avec des non-physiciens, il y faudrait
une véritable conférence.
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Si on se rend compte que l’on va être battu, il
faut faire une diversion, c’est-à-dire qu’on se met tout d’un coup à parler de
tout autre chose comme si cela faisait partie du sujet débattu et était un
argument contre l’adversaire. Cela se fait avec discrétion si la diversion a
quelque rapport avec le thème discuté ; avec imprudence si elle ne
concerne que l’adversaire et n’a rien à voir avec l’objet du débat.
Toute dispute entre des gens du commun montre à
quel point ce stratagème est quasi instinctif. En effet, quand l’un fait des
reproches personnels à l’autre, celui-ci ne répond pas en les réfutant mais en
faisant à son tour des griefs personnels à son adversaire, laissant de côté
ceux qu’on lui a faits et semblant donc reconnaître leur bien-fondé. Dans les
querelles, une telle diversion ne vaut rien parce qu’on laisse tomber les
reproches reçus et que les témoins apprennent tout le mal possible des deux
parties en présence. On peut l’utiliser dans la controverse faute de mieux.
Ex. : — Tu as un grand nez!
—
Moins grand que le tien!
—
Tu pues!
—
T’é fou!
—
Toi aussi!
—
Non, c’est toi!
Paf!
Pif! Paf! [ J ]
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Au lieu de faire appel à la raison, il faut se
servir d’autorités reconnues en la matière selon le degré des connaissances de
l’adversaire. « Chacun préfère
croire plutôt que juger » a dit
Sénèque. On a donc beau jeu si l’on a de son côté une autorité respectée par
l’adversaire. Cependant, il y aura pour lui d’autant plus d’autorités valables
que ses connaissances et ses aptitudes sont limitées. Si celles-ci sont de tout
premier ordre, il ne reconnaîtra que peu d’autorités ou même aucune. À la
rigueur, il fera confiance aux gens spécialisés dans une science, un art ou un
métier qu’il connaît peu ou pas du tout, et encore ne le fera-t-il qu’avec
méfiance. En revanche, les gens du commun ont un profond respect pour les
spécialistes en tout genre. Ils ignorent que la raison pour laquelle on fait
profession d’une chose n’est pas l’amour de cette chose mais de ce qu’elle
rapporte. Et que celui qui enseigne une chose la connaît rarement à fond car,
s’il l’étudiait à fond, il ne lui resterait généralement pas de temps pour
l’enseigner. Mais pour le profane, il y a beaucoup d’autorités dignes de
respect. Donc si on n’en trouve pas d’adéquate, il faut en prendre une qui le
soit en apparence et citer ce que quelqu’un a dit dans un autre sens ou dans
des circonstances différentes. Ce sont les autorités auxquelles l’adversaire ne
comprend pas un traître mot qui font généralement le plus d’effet. Les
ignorants ont un respect particulier pour les figures de rhétorique grecques et
latines.
On peut aussi en cas de nécessité, non
seulement déformer mais carrément falsifier ce que disent les autorités, ou
même inventer purement et simplement ; en général, l’adversaire n’a pas le
livre sous la main et ne sait pas non plus s’en servir.
Ex. : Un curé français qui,
pour ne pas être obligé de paver la rue devant sa maison, comme les autres
citoyens, citait une formule biblique : paveant illi, ego non pavebo (Qu’ils tremblent, moi, je ne tremblerai
pas). Ce qui convainquit le conseil municipal.
Il faut aussi utiliser en matière d’autorités
les préjugés les plus répandus. Car la plupart des gens pensent avec
Aristote : « Ce qui paraît
juste à une multitude, nous disons que c’est vrai » (Éthique à Nicomaque) :
il n’y a en effet aucune opinion, aussi absurde soit-elle, que les hommes
n’aient pas rapidement adoptée dès qu’on a réussi à les persuader qu’elle était
généralement acceptée. L’exemple agit sur leur pensée comme sur leurs actes. Ce
sont des moutons qui suivent le bélier de tête, où qu’il les conduise : il
leur est plus facile de mourir que de penser. Il est très étrange que
l’universalité d’une opinion ait autant de poids pour eux puisqu’ils peuvent
voir sur eux-mêmes qu’on adopte des opinions sans jugement et seulement en
vertu de l’exemple. Mais ils ne le voient pas parce qu’ils sont dépourvus de
toute connaissance d’eux-mêmes. Seule l’élite dit avec Platon : « à une multitude de gens, une
multitude d’idées paraissent justes, c'est-à-dire le profane n’a que
bêtises en tête, et si on voulait s’y arrêter, on aurait beaucoup à faire. Si
on parle sérieusement, le caractère universel d’une opinion n’est ni une preuve
ni même un critère de probabilité de son exactitude. [Il n’y a qu’à penser à tous
les dogmes jadis reconnus officiellement par des sociétés entières et qui par
la suite se sont avérés complètement faux. Par exemple, Ptolémée contre
Copernic].
Ce que l’on
appelle l’opinion commune est, à y bien regarder, l’opinion de deux ou trois
personnes ; et nous pourrions nous en convaincre si seulement nous
observions comment naît une telle opinion. [Comme pour le ragot], nous verrions
alors que ce sont deux ou trois personnes qui l’ont admise ou avancée ou
affirmée, et qu’on a eu la bienveillance de croire qu’elles l’avaient examinée
à fond ; préjugeant de la compétence suffisante de celles-ci, quelques
autres se sont mises également à adopter cette opinion ; à leur tour, un
grand nombre de personnes se sont fiées à ces dernières, leur paresse [ou
séduction] les incitant à croire d’emblée les choses plutôt que de se donner le
mal de les examiner. Ainsi s’est accru de jour en jour le nombre de ces adeptes
paresseux et crédules [et séduits] ; car une fois que l’opinion eut pour
elle un bon nombre de voix, les suivants ont pensé qu’elle n’avait pu les
obtenir que grâce à la justesse de ses fondements. Les autres sont alors
contraints de reconnaître ce qui était communément admis pour ne pas être
considérés comme des esprits inquiets s’insurgeant contre des opinions
universellement admises ou comme des impertinents se croyant plus malins que
tout le monde. Adhérer devint alors un devoir. Désormais, le petit nombre de
ceux qui sont capables de juger est obligé de se taire ; et ceux qui ont
le droit de parler sont ceux qui sont absolument incapables de se forger une
opinion et un jugement à eux, et qui ne sont donc que l’écho de l’opinion
d’autrui. Ils en sont cependant des défenseurs d’autant plus ardents et plus
intolérants. Car ce qu’ils détestent chez celui qui pense autrement, ce n’est
pas tant l’opinion différente qu’il prône que l’outrecuidance qu’il y a à
vouloir juger par soi-même — ce qu’ils ne font bien sûr jamais eux-mêmes, et
dont ils ont conscience dans leur for intérieur. Bref, très peu de gens savent
réfléchir, mais tous veulent avoir des opinions ; que leur reste-t-il
d’autre que de les adopter telles que les autres les leur proposent au lieu de
se les forger eux-mêmes? Puisqu’il en est ainsi, que vaut l’opinion de cent
millions d’hommes? Autant que, par exemple, un fait historique attesté par cent
historiens quand on prouve ensuite qu’ils ont tous copié les uns sur les autres
et qu’il apparaît ainsi que tout repose sur les dires d’une seule personne.
Néanmoins, on peut, quand on se querelle avec
des gens du commun, utiliser l’opinion universelle comme autorité.
D’une manière générale, on constatera que quand
deux esprits ordinaires se querellent, ce sont des personnalités faisant
autorité qu’ils choisissent l’un et l’autre comme armes, et dont ils se servent
pour se taper dessus. Si une tête mieux faite a affaire à quelqu’un de ce
genre, le mieux est qu’il accepte de recourir lui aussi à cette arme, en la
choisissant en fonction des faiblesses de son adversaire. Car, comparée à
l’arme des raisons, celle-ci est, par hypothèse, un Siegfried blindé, plongé
dans les flots de l’incapacité de penser et juger.
Au tribunal, on ne se bat en fait que par
autorités interposées, à savoir, l’autorité bien établie des lois : la
tâche du pouvoir judiciaire est de découvrir la loi, c'est-à-dire l’autorité
applicable dans le cas en question. Mais la dialectique a suffisamment de champ
d’action car, si c’est nécessaire, le cas traité et une loi, qui ne vont en
réalité pas ensemble, peuvent être déformés jusqu’à ce qu’on les juge
concordants ; ou l’inverse.
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Si on ne sait pas quoi opposer aux raisons
exposées par l’adversaire, il faut, avec une subtile ironie, se déclarer
incompétent. De cette façon, on insinue, face aux auditeurs qui vous
apprécient, que ce sont des inepties.
Ex. : « Ce que vous
dîtes-là dépasse mes faibles facultés de compréhension ; c’est peut-être
tout à fait exact, mais je n’arrive pas à comprendre et je renonce à tout jugement. »
C’est ainsi qu’à la parution de la Critique
de la raison pure, ou plutôt dès qu’elle commença à faire sensation, de
nombreux professeurs de la vieille école éclectique déclarèrent :
« nous n’y comprenons rien », croyant par là lui avoir réglé son
compte. Mais quand certains adeptes de la nouvelle école leur prouvèrent qu’ils
avaient raison, et qu’ils n’y comprenaient vraiment rien, cela les mit de très
mauvaise humeur.
Il ne faut utiliser ce stratagème que quand on
est sûr auprès des auditeurs d’une considération nettement supérieure à celle
dont jouit l’adversaire.
Ex. : Quand un professeur
s’oppose à un étudiant.
À vrai dire, cette méthode fait partie du
stratagème précédent et consiste, de façon très malicieuse, à mettre sa propre
autorité en avant au lieu de fournir des raisons valables.
La contre-attaque est alors de
dire : « Permettez, mais vu votre grande capacité de
pénétration, il doit vous être facile de comprendre ; tout cela est dû à
la mauvaise qualité de mon exposé », et de lui ressasser tellement la
chose qu’il est bien obligé, bon gré mal gré, de la comprendre, et qu’il
devient clair qu’il n’y comprenait effectivement rien auparavant. Ainsi on a
rétorqué. Il voulait insinuer que nous disions des « bêtises » nous
avons prouvé sa « sottise ». Tout cela avec la plus parfaite des
politesses.
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Nous pouvons rapidement éliminer ou du moins rendre
suspecte une affirmation de l’adversaire opposée à la nôtre en la rangeant dans
une catégorie exécrable, pour peu qu’elle s’y rattache par similitude ou même
très vaguement.
Ex. : C’est du communisme,
c’est de l’athéisme, c’est de la tyrannie, c’est du banditisme etc.
Cette affirmation suppose deux choses :
1.
Que
l’affirmation en question, « c’est bien connu », est réellement identique à cette catégorie,
ou au moins contenue en elle.
2.
Que cette
catégorie est déjà totalement réfutée et ne peut contenir un seul mot de vrai.
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« C’est peut-être vrai en théorie, mais en
pratique c’est faux. » Cette affirmation pose une impossibilité : ce
qui est juste en théorie doit aussi l’être en pratique ; si ce n’est pas
le cas, c’est qu’il y a une erreur dans la théorie ; par conséquent, c’est
également faux en théorie
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Si un adversaire ne donne pas une réponse
directe à une question ou à un argument, mais se dérobe au moyen d’une autre
question ou d’une réponse indirecte, ou même essaie de détourner le débat,
c’est la preuve évidente que nous avons touché un point faible de sa part
(parfois sans le savoir) : c’est une façon relative de se taire. Il faut
donc insister sur le point où nous avons mis le doigt et ne pas laisser
l’adversaire tranquille, même lorsque nous ne voyons pas encore en quoi
consiste au juste la faiblesse que nous avons décelée.
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Si l’on peut faire sentir à l’adversaire que
son opinion, si elle était valable, causerait un tort considérable à ses intérêts,
il la laissera tomber aussi vite qu’un fer rouge dont il se serait imprudemment
emparé.
Ex. : Un ecclésiastique
soutient un dogme philosophique. Il faut lui faire remarquer que celui-ci est
en contradiction directe avec un dogme fondamental de son Église.
En général, une once de volonté et de
conviction pèse plus lourd qu’un quintal d’intelligence et de raisonnement. Ce
qui nous est défavorable paraît généralement absurde à l’intellect. Ce
stratagème pourrait s’intituler « attaquer l’arbre par la
racine ».
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Déconcerter, stupéfier l’adversaire par un flot
insensé de paroles.
Ex. : Débiter d’un air très
sérieux des bêtises qui ont un air savant et profond.
En contrepartie, celui qui ne s’y laisse pas
prendre pourra puiser dans ce flot de paroles les confusions et les dénoncer en
démontrant en quoi ces arguments sont hors contextes et incohérents.
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(Ce stratagème devrait être l’un des premiers).
Si l’adversaire a raison et qu’il choisit une mauvaise preuve, il nous est
facile de réfuter cette preuve, et nous prétendons alors que c’est là une
réfutation de l’ensemble. Si aucune preuve plus exacte ne lui vient à l’esprit,
nous avons gagné.
Ex. : Par exemple, contrer
quelqu’un qui, pour prouver l’existence de Dieu, avance la preuve ontologique qui
est parfaitement réfutable. C’est le moyen par lequel de mauvais avocats
perdent une juste cause : ils veulent la justifier par une loi qui n’est
pas adéquate, alors que la loi adéquate ne leur vient pas à l’esprit.
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Si l’on s’aperçoit que l’adversaire est
supérieur et que l’on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants,
blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de
la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à
l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est. Mais quand on passe
aux attaques personnelles, on délaisse complètement l’objet et on dirige ses
attaques sur la personne de l’adversaire. On devient donc vexant, méchant,
blessant, grossier. C’est un appel des facultés de l’esprit à celles du corps
ou à l’animalité. Ce stratagème est très apprécié car chacun est capable de
l’appliquer, et il est donc souvent utilisé.
La question est de savoir maintenant quelle
parade peut être utilisée par l’adversaire. Car s’il procède de la même façon,
on débouche sur une bagarre, un duel ou un procès en diffamation.
Ce serait une grave erreur de penser qu’il
suffit de ne pas être soi-même désobligeant. Car en démontrant tranquillement à
quelqu’un qu’il a tort et que par voie de conséquence il juge et pense de
travers, ce qui est le cas dans toute victoire dialectique, on l’ulcère encore
plus que par des paroles grossières et blessantes. Pourquoi? Parce que, comme
dit Hobbes, « Toute volupté de
l’esprit, toute bonne humeur vient de ce qu’on a des gens en comparaison
desquels on puisse avoir une haute estime de soi-même. » Rien n’égale
pour l’homme le fait de satisfaire sa vanité, et aucune blessure n’est plus
douloureuse que de la voir blessée. Cette satisfaction de la vanité naît
principalement du fait que l’on se compare aux autres, à tout point de vue,
mais surtout au point de vue des facultés intellectuelles. C’est justement ce
qui se passe effectivement et très violemment dans toute controverse. D’où la
colère du vaincu, sans qu’on lui ait fait tort, d’où son recours à ce dernier
expédient, à ce dernier stratagème auquel il n’est pas possible d’échapper en
restant soi-même poli.
Toutefois, un grand sang froid peut être là
aussi salutaire : il faut alors, dès que l’adversaire passe aux attaques
personnelles, répondre tranquillement que cela n’a rien à voir avec l’objet du
débat, y revenir immédiatement et continuer de lui prouver qu’il a tort sans
prêter attention à ses propos blessants, donc en quelque sorte, comme le dit
Thémistocle à Eurybiade : « Frappe,
mais écoute ». Mais ce n’est pas donné à tout le monde.
La seule parade sûre est donc celle qu’Aristote
a indiqué dans le dernier chapitre des Topiques :
ne pas débattre avec le premier venu, mais uniquement avec les gens que l’on
connaît et dont on sait qu’ils sont suffisamment raisonnables pour ne pas
débiter des absurdités et se couvrir de ridicule. Et dans le but de s’appuyer
sur des arguments fondés et non sur des sentences sans appel ; et pour
écouter les raisons de l’autre et s’y rendre ; des gens dont on sait enfin
qu’ils font grand cas de la vérité, qu’ils aiment entendre de bonnes raisons,
même de la bouche de leur adversaire, et qu’ils ont suffisamment le sens de
l’équité pour pouvoir supporter d’avoir tort quand la vérité est dans l’autre
camp. Il en résulte que, sur cent personnes, il s’en trouve à peine une qui
soit digne qu’on discute avec elle. Quant aux autres, qu’on les laisse dire ce qu’elles
veulent car c’est un droit des gens que
d’extravaguer, et que l’on songe aux paroles de Voltaire : « La paix vaut encore mieux que la
vérité ».
Toutefois, en tant que joute de deux esprits,
la controverse est souvent bénéfique aux deux parties car elle leur permet de
rectifier leurs propres idées et de se faire aussi de nouvelles opinions.
Seulement il faut que les deux adversaires soient à peu près du même niveau en
savoir et en intelligence. Si le savoir manque à l’un, il ne comprend pas tout et
n’est pas au niveau. Si c’est l’intelligence qui lui manque, l’irritation qu’il
en concevra l’incitera à recourir à la mauvaise foi, à la ruse et à la
grossièreté.
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